Critique équilibrée de la collapsologie

Publié le 19 avril 2023

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Critique équilibrée de la collapsologie

Si vous êtes parvenus jusqu’ici, c’est probablement que vous avez fait la découverte de la collapsologie, via l’un des ouvrages de référence dans le monde français (Pablo Servigne, Comment tout peut s’effondrer), ou anglo-saxon (Jared Diamond, Collapse). Comme la plupart des personnes ayant découvert cet univers, vous êtes pris d’un moment de déprime, voire de remise en question de vos projets les plus intimes. C’est vrai que l’étude froide et factuelle de la course effrénée de notre civilisation qui la mènerait en fait à sa propre perte fait froid dans le dos... Bon, je vous le dis tout de suite, ce n’est pas ici que vous allez retrouver plénitude et sérénité. Mais on peut tenter de vous donner du courage pour agir, et peut-être même vous arracher un petit sourire. Si, si, vous allez voir :)

La particularité de la collapsologie, comparée à d’autres mouvements écologistes, c’est qu’elle ne cherche pas à mettre en garde contre des risques potentiels d’effondrement, mais qu’elle part du principe que ce dernier est désormais inéluctable. Cet effondrement n’est pas seulement celui de la biodiversité, ou des écosystèmes, il est aussi politique, économique, social et culturel. Et notre génération a déjà probablement commencé à y assister...

Oui, on est dans la panade

L’un des points forts de l’approche « collapsologique » est d’étudier les différentes crises du monde globalisé, et d’observer la façon dont elles s’articulent entre elles jusqu’à aboutir à une situation inextricable. Le paradoxe le plus fort noté par Pablo Servigne dans son ouvrage de référence Comment tout peut s’effondrer, peut être synthétisé comme suit :

Parier sur les énergies renouvelables et/ou le nucléaire est donc la seule solution qui s'offre à l'humanité pour remplacer le charbon et le pétrole. Les énergies renouvelables nécessitent, en l'état actuel des technologies disponibles, le recours à des métaux critiques en quantité probablement supérieure au stock extractible à l'échelle mondiale.

Le nucléaire quant-à-lui ne peut pas être 100% de la solution. Il représente actuellement moins de 2% de la production d'énergie mondiale, et nécessite des temps de déploiement importants, à la fois pour des raisons techniques et des raisons politiques (manque de consensus autour du recours à cette énergie). 

La transition énergétique que nous appelons tous de nos vœux est donc soumise à des limites physiques et sociales très fortes.  

Cette conclusion nous est à tous désagréable, mais elle se double à de nombreuses autres réflexions sur les aspects économiques, sociétaux et géostratégiques qui en découlent.

Par exemple :

Même sans chercher à agir contre le changement climatique, la civilisation mondialisée va être confrontée à la fin des réserves de pétrole. 

Or, comme l’appuie également Jean-Marc Jancovici, ce n’est pas le PIB qui fait augmenter la consommation d’énergie, mais la consommation d’énergie qui conditionne le PIB. En d’autres termes, la fin des ressources pétrolières va impliquer une baisse du PIB mondial. 

On ne saurait trop vous recommander d’écouter l’intervention de JM. Jancovici à Science Po :

Or, nos sociétés sont dépendantes de la croissance du PIB. Sans croissance, les équilibres sociaux et politiques sautent : les Etats s’endettent, les inégalités se creusent, les peuples se radicalisent, et le système de “dominos” de crises s’enclenche. Les conséquences du changement climatique (sécheresse, montée des eaux, etc.) entraînent des migrations. Les migrations créent des désordres sociaux (pauvreté, mal-logement) et des peurs au sein des populations des pays d’accueil. Les désordres sociaux favorisent l’émergence de dirigeants "populistes" ou sécuritaires. Ces dirigeants ne sont pas préoccupés par les enjeux environnementaux, et aggravent donc la crise climatique. Cette boucle est alimentée également par les limites physiques de la croissance : production de déchets non recyclables dont on ne sait que faire, impossibilité d’extraire certaines ressources trop rares, pénuries… Vous l’avez compris, le tableau dépeint par les collapsologues est sombre. Mais peut-on y trouver une once de clair-obscur ?

Oui, les prédictions "collapsologistes" sont souvent vérifiées dans la réalité

Alors, la question à 1 million d’euros est maintenant : les prédictions des collapsologues se vérifient-elles dans la réalité ?

La réponse est sans doute : oui, en très grande partie.

Prenons quelques exemples :

Quand la crise climatique entraîne des crises géopolitiques, militaires et sociales.

Une part non-négligeable des raisons ayant mené à la guerre en Syrie sont liées à des sécheresses anormalement graves qui ont poussé 1,5 million de ruraux à se masser dans les villes. Ces migrations internes ont entraîné un climat de tension sur fond de pauvreté et de colère, propices à l’enrôlement au sein des forces de Daesh. Il s’agit donc d’un exemple de cas où la crise climatique alimente des crises géopolitiques, sociales et politiques en cascade (guerre, déstabilisation de la région, terrorisme et migrations en Europe).

Quand une crise politique entraîne des désastres environnementaux.

L’élection de Trump en 2016 est le résultat de différents troubles géopolitiques (influence de la Russie sur le vote américain, via Facebook/Twitter) et sociaux (rejet des élites). Il en résulte la mise en place d’une politique ouvertement hostile à toute action contre le changement climatique, de la part d’un des pays les plus émetteurs de CO2 dans le monde. Dans le même temps, l’élection de Bolsonaro, essentiellement liée à un climat d’insécurité au Brésil, a quant à elle des répercussions à l’échelle mondiale, tant la forêt amazonienne souffre de son inaction et de son laisser-faire sur le plan des incendies, de l’entretien, et de la préservation de ce puits de carbone essentiel dans l’équilibre climatique mondial.

La collapsologie : une étape importante dans l’émergence de l’idée de Team for the Planet

Les fondateurs de Team for the Planet ont en commun d’être des entrepreneurs, sans connaissances de longue date à propos du changement climatique et de l’environnement de façon générale. Leur découverte des travaux des collapsologues, mais aussi de celles et ceux dont la voix porte pour que soient prises en compte les limites physiques de notre monde, a été à l’origine de leur volonté de changer de vie. Ils se sont donc lancé dans un projet destiné à pouvoir agir à l’échelle mondiale sur le changement climatique.

Le positionnement de Team for the Planet vis-à-vis des théories de l’effondrement est simple : il n’est plus possible de les ignorer. Il faut à la fois travailler à renforcer la résilience des sociétés humaines, considérablement diminuer les émissions de gaz à effet de serre, et rendre l’économie moins dépendante des ressources minérales rares.

Mais… Attention au biais de confirmation

L’un des biais cognitifs les plus documentés est celui qui consiste, pour tout être humain, à privilégier les informations confirmant ses idées préconçues ou ses hypothèses et/ou à accorder moins de poids aux hypothèses et informations jouant en défaveur de ses conceptions.

L’interaction des phénomènes économiques, environnementaux, sociaux est trop complexe pour qu’il soit possible d’en prédire les conséquences de manière précise.

On peut par exemple sans difficulté soutenir le fait que la condition sociale et la santé des plus pauvres se sont considérablement améliorées depuis 50 ans. Les grands indicateurs tels que l’espérance de vie, l’alphabétisation, la mortalité infantile, le nombre de décès liés à la guerre, l’extrême pauvreté, sont en très forte diminution sur la planète.

Ces indicateurs peuvent être analysés de 2 façons :


Il est difficile de se faire une idée réelle. Les biais de confirmation étant particulièrement puissants, le nombre d’informations pouvant alimenter la thèse de chacun sont inépuisables.

Prenons un exemple : le rapport Meadows.

Issu de travaux du MIT, ce rapport sur les limites de la croissance, paru en 1972, est un modèle mathématique qui prédit un effondrement planétaire à partir des années 2020-2030.

En 2010, un économiste a mis à jour les données pour comparer les prédictions de 1972 avec l’évolution réelle. En pointillé, on voit donc les courbes de 1972, que l’on peut comparer avec les données réelles.

Il y a deux façons d’examiner ce graphique :

Dans tous les cas, ces évolutions n’ont pas encore atteint les pics maximums prédits, et il est donc encore difficile de savoir si ces pics seront avérés dans le futur.

Prenons encore un autre exemple pour mieux comprendre : la dépendance aux énergies fossiles.

Une des limites principales à la croissance est celle de la dépendance à l’énergie fossile, qui n’est pour le moment pas réellement remplacée (ou en capacité à être remplacée) par les énergies décarbonées. Si l’on voulait convertir l’ensemble des machines utilisées dans le monde (machines industrielles et véhicules) à l’électrique issu du solaire ou de l’éolien, il serait nécessaire de produire un nombre de batteries et de panneaux solaires considérable. Dans cette hypothèse, les ressources minérales terrestres extractibles ne suffiraient pas.

Est-il possible que l’humanité parvienne à contourner cette difficulté ? Rien ne permet de l’affirmer ou de l’infirmer. Nous devons simplement essayer : trouver des alternatives aux métaux critiques, remplacer le plus possible de matières minérales par des matières biologiques, réduire la consommation d’énergie…

Il faut explorer toutes les possibilités pour repousser les échéances et se donner suffisamment de temps pour réorganiser le fonctionnement planétaire en s’adaptant à l’évolution des conditions climatiques. C’est aujourd’hui que l’être humain va pouvoir mesurer sa capacité d’innovation et de résilience.

Team for the Planet tire toute sa raison d’être de cet agnosticisme : plutôt que de tenter de prédire l’avenir, nous proposons un cadre pour tenter de l’influencer.